La lettre d’intention (LOI), première étape d’engagement
Le moment venu, le candidat acquéreur sera amené à rédiger une lettre d’intention (letter of intent – LOI) ou une offre d’achat à l’attention des actionnaires de sa cible. Ce document, après signature, acte le premier engagement mutuel dans le processus de transmission.
Bien qu’une lettre d’intention soit souvent qualifiée de juridiquement non liante, elle peut toutefois prévoir une pénalité dont l’acquéreur devra s’acquitter dans certains cas d’échecs. Par exemple, lorsqu’il n’aura manifestement pas fourni ses meilleurs efforts pour atteindre l’objectif dans les temps. Ce dédommagement indemnise le vendeur qui lui aura souvent concédé l’exclusivité de négociation, aura investi de son temps et aura engagé d’éventuels frais pour aboutir.
La principale matière à discussion, parmi celles traitées tout au long de la LOI, concerne logiquement le prix que l’acquéreur s’engage à offrir, sous conditions, au vendeur. Comment formuler cette proposition de prix. Un montant fixe ? Une formule ? Si oui, laquelle ?
Le très dangereux prix fixe
Si l’atout d’un montant fixe est sa lisibilité, gare à ses limites. Une entreprise vit et ne s’arrête certainement pas de tourner parce que ses titres sont en passe de changer de mains.
La comptabilité dresse la situation de l’entreprise à dates régulières, au moins annuellement, mais toujours a posteriori. En effet, l’information ne peut être divulguée que lorsque toutes les données ont été collectées, encodées et approuvées. Par conséquent, les négociations entre un vendeur et un acheteur se tiennent inévitablement sur base de comptes passés. Et ce n’est pas tout ! Cette première période aux résultats inconnus, qui débute au lendemain de la date de clôture des derniers comptes disponibles et s’achève à la signature de la LOI, fait ensuite place à une seconde : celle nécessaire à finaliser l’opération ! Il s’écoule parfois de très nombreux mois entre la date des derniers comptes approuvés et la transformation d’une LOI en une convention de cession signée. C’est un véritable pari sur la stabilité ou l’augmentation de la valeur de la cible que prend l’acquéreur.
La variable d’ajustement, toujours imparfaite
La valeur d’une entreprise est l’addition de composants tangibles (immobilier, parc machines, stocks, créances, trésorerie nette, etc.) et intangibles (capital humain, nom, business model, clientèle, notoriété, etc.).
Des candidats acquéreurs avisés formulent leur offre de prix en isolant partiellement voire totalement le patrimoine tangible de l’intangible. La proposition comprend une partie fixe (valorisation du patrimoine totalement ou principalement intangible) et une partie variable (valorisation du solde ou de la totalité du patrimoine tangible). Exemples :
- Prix de cession = Enterprise Value (fixe) + situation nette de trésorerie (variable)
- Prix de cession = Fonds propres comptables ou corrigés (variables) + Goodwill (fixe)
Il n’est pas rare de décomposer l’ « Enterprise Value », qui intègre quelques éléments de valeur tangibles parmi les intangibles, de manière à cadrer un peu plus encore la proposition. En effet, cette première formule, telle que rédigée, autorise et rémunère l’optimisation à outrance de la situation au jour de la cession, au détriment parfois d’une saine gestion de l’entreprise. Exemple : mettre la pression sur les clients pour qu’ils honorent leur dette avant échéance et faire patienter les fournisseurs de manière à gonfler la situation nette de trésorerie au jour « j ». La seconde formule, quant à elle, permet d’éviter ce genre de manœuvres dont le goût peut s’avérer particulièrement amer dans le chef d’un repreneur fraichement devenu propriétaire.
Par le recours à une variable d’ajustement, le candidat repreneur se couvre contre une tendance conjoncturellement plus difficile. En revanche, il se ferme la porte à profiter d’éventuels résultats florissants de l’entreprise réalisés pendant les périodes de négociation et de finalisation.
La formule complète, sécurisée mais indigeste
Quid si la parfois très longue période aux résultats inconnus, révèle des chiffres structurellement différents ?
Une PME peut parcourir de nombreux virages en un temps réduit. Si une variable d’ajustement permet de transiger en cas de période tumultueuse passagère, elle ne suffira pas à amortir une évolution substantielle et durable de ses performances.
Les acquéreurs évaluent généralement les composants intangibles d’une entreprise en fonction de la rentabilité structurelle de son activité. Lorsqu’une crise majeure touche l’entreprise à vendre, son secteur ou l’économie en général, un ajustement du prix basé uniquement sur la trésorerie ou les fonds propres ne suffit pas toujours à compenser une chute plus profonde de la valeur. Pour se protéger contre ce type de scénario, et inciter le cédant à rester pleinement investi jusqu’au bout, certains acquéreurs proposent une formulation de prix plus élaborée dans leur lettre d’intention :
- Prix de cession = Enterprise Value (variable) + situation nette de trésorerie (variable)
- Enterprise Value = EBITDA corrigé (variable) * 5,5 – BFR normalisé + BFR (variable)
Si cette formule réduit plus encore le risque du repreneur, ici aussi, elle lui ferme la porte à profiter gratuitement d’une croissance structurelle des résultats de l’entreprise durant la période aveugle. En pratique, ce genre de formulation de prix est peu répandue. Le cédant risque s’y perdre et de préférer opter pour une offre plus lisible.
Du sur-mesure, à chaque coup
D’autres mécanismes existent pour réduire davantage encore le risque du repreneur, comme le recours à une clause d’earn out par exemple.
De nombreux deals n’aboutissent pas par afflux d’aspects à régler sur le tard, qui ne l’ont pas été en amont, notamment par la rédaction d’une LOI intelligente et adaptée. Les cas sont tous différents, les solutions aussi. Le tout est d’analyser la situation minutieusement, de l’appréhender avec recul, de cerner les composants majeurs de valeur et leur nature pour centrer le débat sur l’important.
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